Vous avez investi l’équivalent de 3 mois de travail… pour une fonctionnalité que seuls 8% de vos collaborateurs utilisent. Les autres ? Ils contournent, ignorent, font autrement.
Le problème n’est pas (forcément) la feature elle-même. C’est son intégration. Son accessibilité. Son utilité perçue. Et dans un logiciel métier, personne ne "teste pour voir". Si la fonctionnalité ne s’impose pas immédiatement, elle est oubliée – ou pire, vue comme un frein.
Alors, on fait quoi ? On ne laisse pas les fonctionnalités mourir en silence. On traque leur adoption, on identifie les blocages et on ajuste – vite. Et quand ça ne sert à rien, on coupe.
Piloter l’adoption, c’est garantir que chaque ligne de code a un impact. Voici comment.

Définir les objectifs et hypothèses avant le lancement d’une fonctionnalité
90 % des fonctionnalités inutilisées dans un logiciel métier ont un point commun : elles ont été développées sans objectif clair. Un service exprime un besoin, l’équipe produit le traduit en feature… et quelques mois après, personne ne l’utilise, ou pire, elle est contournée.
Pourquoi ? Parce qu’on n’a pas défini ce que cette fonctionnalité devait vraiment améliorer. Dans un logiciel métier, chaque ajout doit être justifié par un impact mesurable : gain de temps, réduction des erreurs, meilleure collaboration. Sinon, c’est juste du bruit qui complexifie l’outil et pollue l’expérience utilisateur.
Fixer des objectifs précis, pas des intentions floues
Un objectif du type "faciliter la gestion des commandes", ça ne sert à rien. Trop vague, trop interprétable. À la place, on va raisonner en objectifs clairs et mesurables avec une approche OKR (Objectives & Key Results) :
- Objectif : réduire le temps de validation d’une commande.
- Résultats attendus : passer de 3 jours à 24h, avec 80 % des commandes validées sans intervention manuelle.
Si ces chiffres n’évoluent pas après le déploiement, la fonctionnalité est soit mal conçue, soit mal intégrée aux usages réels. Pas d’amélioration visible = échec d’adoption.
Définir des hypothèses testables
On ne lance pas une feature sur un ressenti. On formalise des hypothèses et on les confronte aux usages.
- Hypothèse 1 : Si la nouvelle interface de validation est plus fluide, les managers traiteront 20 % de demandes en plus par jour.
- Hypothèse 2 : Si on automatise la vérification des données, le taux d’erreurs sur les bons de commande passera sous les 2 %.
Ces hypothèses servent de repères pour analyser si la fonctionnalité fonctionne comme prévu… ou si elle finit contournée en mode Excel + email.
Choisir les bonnes métriques
Tout n’est pas mesurable, mais tout ce qui est important doit l’être. Le piège, c’est de se focaliser sur des stats qui ne disent rien sur l’usage réel.
Ce qu’on évite, c’est une stat du genre "X % d’utilisateurs ont cliqué sur le bouton".
Ce qu’on suit vraiment, c’est ça :
- Taux de complétion : la fonctionnalité est-elle utilisée jusqu’au bout ou abandonnée en cours de route ?
- Gain de temps : a-t-elle réduit le nombre d’étapes ou accéléré un process ?
- Impact sur la qualité : moins d’erreurs, moins de corrections manuelles ?
Cas concret : mesurer l’impact d’une nouvelle interface
Une entreprise veut accélérer la saisie des factures fournisseurs. Actuellement ? 10 minutes par facture, 35 % d’erreurs. Trop long, trop d’erreurs, trop de corrections.
L’équipe produit déploie un module de reconnaissance automatique avec un objectif : diviser le temps de saisie par deux et passer sous les 5 % d’erreurs.
Suivi post-déploiement :
- Temps moyen de saisie : amélioré ou non ?
- Nombre d’erreurs détectées : vraiment réduit ?
- Taux d’utilisation : adoption réelle ou contournement ?
Un mois plus tard, 50 % des utilisateurs continuent la saisie manuelle. En creusant, les logs révèlent que l’outil échoue sur certains formats. Problème identifié, solution activée : ajustement de l’algorithme et formation ciblée.
Sans ces données, la fonctionnalité aurait été considérée comme adoptée. En réalité, elle était contournée.
Mettre en place un plan de tracking structuré
Si vous ne suivez pas l’adoption d’une fonctionnalité, autant la lancer les yeux fermés. Est-ce qu’elle est vraiment utilisée ? Où les utilisateurs bloquent-ils ? Est-elle contournée ? Pour avoir ces réponses, il faut un plan de tracking béton, structuré autour des bonnes données.

Traquer ce qui compte
Le piège classique ? Mesurer des clics et des pages vues sans aucun lien avec l’efficacité métier. Dans un logiciel métier, on ne cherche pas des "engagements", mais des actions qui prouvent une vraie adoption :
- Taux de complétion des workflows critiques : une demande validée, une facture générée, une tâche clôturée.
- Temps passé par action clé : si une saisie prend 3x plus de temps que prévu, quelque chose cloche.
- Actions répétées ou abandonnées : un bouton cliqué mais jamais suivi d’une action ? Mauvaise UX ou feature inutile.
La solution, c’est d’établir un tracking plan clair. Chaque fonctionnalité a ses événements-clés définis avant le déploiement, avec des indicateurs précis de succès ou d’échec.
Imaginons une équipe qui déploie un nouveau module d’export de rapports. Avant le lancement, elle définit trois événements-clés : clic sur le bouton d’export, taux d’erreur, fréquence d’utilisation.
Le tracking montre que les utilisateurs cliquent sur "Exporter", mais abandonnent avant le téléchargement. En cause ? Un format de fichier mal adapté. Ajustement fait, adoption en flèche.
Les bons outils pour ne pas analyser à l’aveugle
Un bon tracking ne sert à rien sans un moyen efficace de collecter et analyser les données. Voici les outils essentiels pour suivre l’adoption avec précision.
Pour comprendre comment les utilisateurs interagissent avec la fonctionnalité :
- Amplitude / Mixpanel : funnels, parcours utilisateurs, taux d’activation des fonctionnalités.
- Metabase / Power BI : croiser les données produit et métier (impact sur la productivité, réduction des erreurs).
Pour identifier pourquoi une fonctionnalité est sous-utilisée ou contournée :
- Hotjar / Contentsquare : heatmaps, enregistrements de sessions pour voir où ça coince.
- Logs back-end : identifier les workflows inachevés, les erreurs récurrentes, les abandons.
Le bon réflexe ? Intégrez un suivi post-déploiement directement dans le workflow des équipes produit. Ajoutez une colonne "À monitorer" dans le Kanban pour suivre en temps réel l’impact d’une nouvelle feature et itérer plus vite.
Analyser les comportements des utilisateurs et détecter les problèmes
Déployer une fonctionnalité, c’est une chose. S’assurer qu’elle est réellement utilisée comme prévu, c’en est une autre. Un taux d’usage faible ne signifie pas forcément que la fonctionnalité est inutile. Est-elle mal intégrée au workflow ? Mal comprise ? Trop contraignante ? Seules les données terrain permettent de trancher.
Aller au-delà des chiffres bruts
Un simple taux d’utilisation ne raconte pas toute l’histoire. Ce qui compte, c’est le contexte.
Une feature utilisée une fois et jamais réutilisée ? Peut-être un effet découverte, mais aucun gain réel. Vérifiez si l’usage baisse au fil des semaines via une analyse de cohortes (Mixpanel, Amplitude).
Un bouton cliqué mais l’action jamais finalisée ? Mauvais wording, UX confuse ou process trop complexe. Observez les enregistrements de sessions (Hotjar, Contentsquare) pour voir où les utilisateurs bloquent.
Une action contournée par un autre outil ? Si des utilisateurs continuent d’utiliser Excel ou un email à la place, il y a un problème d’intégration ou de rigidité. Croisez les logs back-end avec les feedbacks terrain pour comprendre pourquoi.
Concrètement, voilà ce qu’il faut faire :
- Suivez les parcours réels des utilisateurs et non juste le taux d’utilisation brut.
- Analysez les abandons et les retours en arrière dans un workflow : un taux d’abandon > 20 % = friction à éliminer.
- Repérez les alternatives utilisées en parallèle : si un module est censé remplacer un ancien process, mais que l’ancien est toujours utilisé, le problème n’est pas l’utilisateur, mais la fonctionnalité.
Voir l’usage réel, pas juste l’usage déclaré
Les feedbacks utilisateurs sont précieux, mais souvent biaisés. Les vraies réponses sont dans les données. Pour ça, plusieurs leviers :
- Heatmaps et enregistrements de sessions (Hotjar, Contentsquare) : identifiez les points d’hésitation et les zones non exploitées.
- Analyse des parcours et funnels (Mixpanel, Amplitude) : où les utilisateurs décrochent-ils dans le processus ?
- Analyses de cohortes : l’usage est-il stable ou s’effondre-t-il après l’effet nouveauté ?
Recueillir du feedback utilisateur pour affiner l’analyse
Les métriques vous disent ce qui se passe. Les utilisateurs vous disent pourquoi. Une fonctionnalité ignorée, c’est rarement une question de besoin. Elle est soit mal intégrée, soit mal comprise, soit trop contraignante. Et ça, seuls les retours terrain peuvent le révéler.
Quand une feature est boudée, posez la question directement
Vous voyez qu’une fonctionnalité est sous-utilisée ? Ce n’est pas en devinant que vous trouverez la réponse. Allez chercher l’info au plus près des usages.
Les micro-sondages intégrés
Une question courte, affichée au bon moment – "Pourquoi n’avez-vous pas utilisé cette option ?" – et pas trois jours plus tard par email. Utilisez des outils comme Typeform ou Survicate pour capter les retours sans interrompre l’expérience utilisateur.
Les entretiens ciblés
Prenez 30 minutes avec un utilisateur régulier et un utilisateur qui l’a laissée de côté. Vous comprendrez tout de suite où ça bloque. Concentrez-vous sur :
- Leur parcours réel : ont-ils trouvé la fonctionnalité naturellement ?
- Leur perception : l’ont-ils trouvée utile ou superflue ?
- Leurs alternatives : ont-ils contourné l’outil avec un autre système ?
L’analyse des tickets support
Si le même sujet revient sans arrêt, il y a une friction. Plutôt que de la corriger à chaque fois, il vaut mieux l’éliminer à la source. Structurez vos analyses en catégorisant les plaintes par fonctionnalité et en repérant les tendances.
Les feedbacks passifs
Ne vous arrêtez pas aux réponses directes. Regardez les logs produit. Une fonctionnalité qui génère des erreurs fréquentes ou des allers-retours inutiles signale une mauvaise intégration dans le workflow.
Un cas concret : pourquoi personne n’exporte les rapports ?
L’export automatique des rapports financiers était censé simplifier la vie des utilisateurs. Sauf qu’en production, seuls 15 % s’en servent.
Problème technique ? Aucun. Le tracking est propre, pas d’erreur détectée. Pourtant, les tickets support s’accumulent : "Où télécharger le PDF ?". Un rapide échange avec un utilisateur confirme : le bouton est invisible, mal placé, avec un libellé flou. Résultat ? Tout le monde continue à copier-coller les chiffres à la main.
Correction immédiate : repositionnement du bouton, wording plus explicite, tutoriel interactif au premier usage.
Une semaine plus tard ? Adoption doublée, 40 % de tickets en moins.
👉 Ce n’était pas la fonctionnalité qui posait problème. C’était son intégration.
Ajuster rapidement et itérer en continu
Une fonctionnalité ignorée, c’est une fonctionnalité en sursis. Si elle n’est pas adoptée, elle doit évoluer – vite. Attendre que les usages décollent tout seuls, c’est la meilleure façon de la voir disparaître dans l’oubli. Dans un logiciel métier, soit une fonctionnalité simplifie le travail, soit elle complique. Il n’y a pas d’entre-deux.
Ne pas tout casser, mais corriger ce qui bloque
L’erreur classique ? Se lancer dans une refonte complète dès qu’un usage ne décolle pas. Dans 80 % des cas, c’est un problème d’UX, de positionnement ou de logique métier qui freine l’adoption. Avant de tout revoir, il faut tester des ajustements simples et rapides :
- Le wording est flou ? "Gérer les relances" vs. "Activer le rappel automatique" : devinez lequel marche mieux.
- Le bouton est planqué ? Si personne ne clique dessus, c’est peut-être qu’il est invisible, pas inutile.
- Le parcours est trop long ? Une validation en 3 écrans alors qu’un clic suffirait, c’est déjà une friction.
L’objectif : corriger, tester, mesurer. Un ajustement en une semaine vaut mieux qu’une refonte en six mois.
Tester et mesurer : pas de place pour l’intuition
Modifier un libellé, déplacer un bouton ou supprimer un écran, c’est bien. Mais est-ce que ça marche ? Pas de test, pas de preuve.
Un test A/B doit systématiquement valider un changement. Si l’usage grimpe, on garde. Sinon, on passe à autre chose.
Prenons un cas classique : un module de création de devis sous-utilisé. Plutôt que de tout repenser, deux actions sont testées : raccourci sur la page d’accueil + wording plus clair ("Créer un devis" → "Préparer une offre").
Résultat ? L’usage bondit de 30 % juste avec le raccourci. Le changement de wording, lui, n’a eu aucun effet. Sans test, l’équipe aurait perdu du temps sur la mauvaise piste.
Prioriser : tout ne mérite pas d’être corrigé
Pas question de passer des semaines sur un ajustement mineur. On trie, on agit vite, on coupe ce qui ne sert à rien.
- Modifs express : wording, placement, simplification UX → à tester en priorité.
- Ajustements avec dev léger : ajout de raccourcis, suppression d’étapes → intégration au sprint suivant.
- Refonte complète : si les micro-ajustements échouent, on remet en question la feature elle-même.
Si une fonctionnalité reste ignorée après plusieurs itérations, c’est peut-être qu’elle n’a pas sa place. Mieux vaut la retirer que la laisser polluer l’interface.
👉 Une feature qui n’est pas adoptée, c’est une feature morte. Soit on la corrige, soit on la supprime.
Supprimer les fonctionnalités inutiles ou inefficaces
Tout ce qui est en trop crée de la friction. Une fonctionnalité ignorée n’est pas juste un problème d’adoption : elle encombre l’interface, alourdit le produit et génère du bruit. Plutôt que d’accumuler des éléments sous-performants, il faut savoir faire le tri et couper ce qui ne sert à rien.
Un logiciel métier n’est pas une boîte à outils sans fond
Chaque nouvelle fonctionnalité ajoutée doit prouver sa valeur. Si elle n’est pas utilisée, elle n’a aucune raison d’exister. Mais comment savoir quand il est temps de supprimer une feature ?
- L’usage est quasi inexistant : une fonctionnalité activée par moins de 5 % des utilisateurs après plusieurs itérations ? Elle n’apporte rien.
- Elle est contournée systématiquement : si les équipes continuent à utiliser Excel ou un autre système pour faire la même chose, c’est un signal d’échec.
- Les utilisateurs ne la comprennent pas : un module qui génère plus de tickets support qu’il ne résout de problèmes n’a pas sa place dans le produit.
Un bon indicateur : si une fonctionnalité devait disparaître demain, combien d’utilisateurs s’en rendraient compte ? Si la réponse est "presque aucun", alors elle est déjà morte.
Couper pour éviter la dette produit
Chaque feature inutile, c’est une ligne de code en plus à maintenir, une complexité supplémentaire dans l’UX, et un risque accru d’incohérences. Plus un produit vieillit, plus il accumule du poids mort.
Les réflexes à adopter :
- Passer en revue l’usage des features tous les 6 mois. Si une fonctionnalité est sous-performante depuis trop longtemps, elle est sur la sellette.
- Ne pas hésiter à supprimer une feature mal conçue. Mieux vaut la retirer proprement que la laisser polluer l’expérience utilisateur.
- Communiquer sur la suppression. Si une feature disparaît, expliquer pourquoi et proposer une alternative pour éviter la frustration des quelques utilisateurs qui l’utilisaient.
👉 Un bon logiciel métier ne se mesure pas au nombre de fonctionnalités, mais à leur impact réel. Mieux vaut faire moins, mais mieux.
Pilotez l’adoption, ne la subissez pas
Déployer une fonctionnalité, ce n’est pas suffisant. Si vous ne suivez pas son adoption, elle est déjà en train de disparaître. Un logiciel métier efficace ne s’encombre pas de fonctionnalités inutilisées. Chaque élément doit prouver sa valeur.
Pour éviter qu’une feature tombe dans l’oubli :
- Fixez des objectifs clairs dès le départ. Si vous ne pouvez pas mesurer son impact, vous ne pourrez pas l’améliorer.
- Analysez l’usage réel. Une fonctionnalité ignorée ou contournée n’est pas un détail, c’est un problème à résoudre.
- Ajustez en continu. Testez, itérez, corrigez ce qui bloque avant qu’il ne soit trop tard.
- Supprimez ce qui ne sert pas. Si une feature n’apporte pas de valeur, elle alourdit votre produit et perturbe vos utilisateurs.
Un bon logiciel métier, ce n’est pas celui qui en fait le plus. C’est celui qui fait juste ce qu’il faut, mais parfaitement.
Vos features sont-elles vraiment utilisées ? Chez Yield, on vous aide à traquer l’adoption réelle, couper le superflu et optimiser ce qui compte vraiment. Parlons-en.